fin février
Fin février. Voilà plus de trois semaines que nous n'avions
pas remis les pieds à Garoua, coupés du monde, perdus au fond de notre brousse.
Pas mal de monde ce mois ci, et encore, les évènements du Tchad nous ont-ils
valus quelques annulations, les consignes de l'ambassade étant d'éviter tout
déplacement dans le nord du Cameroun ! Sacro saint et maudit principe de
précaution d'une administration frileuse qui ouvre le parapluie à Yaoundé alors
qu'il pleut au Tchad !! Bref tout le monde n'étant pas dupe de la situation, la
plupart sont venus quand même conscients que Boubandjida n'est pas
précisément sur la piste menant du Soudan à Ndjamena ! D'aucuns se sont même
félicités d'être bien au frais chez nous, alors que ces derniers jours il
faisait plutôt chaud du côté de Yaoundé et de Douala !
Nous avons donc eu
affluence, à l'échelle de Boubandjida s'entend. Autant de plaisir pour nous, de
rencontrer autant de gens d'horizons divers, avec qui les échanges sont
toujours enrichissants et fort sympathiques. Souvent pour moi aussi l'occasion
de redécouvrir dans leurs yeux l'émerveillement de mes débuts en Afrique et de
mesurer la chance que j'ai de vivre ce rêve d'enfant ! Ce mois-ci nous avons eu
beaucoup d'harmattan et jusqu'à ces derniers jours la température est restée
très fraîche : au plus 15° au petit matin, ce qui m'est particulièrement
agréable. Les jours d'harmattan les décors sont très particuliers, la lumière
nimbée qui perce à travers la brume confère un charme spécial aux paysages et
si la faune est un peu moins active ces jours là, dans l'ensemble les clients
ont été très satisfaits, notamment en matière d'éléphants, très souvent
observés ces derniers jours. Les girafes et les élands commencent également à
se laisser observer, avec le reverdissement progressif des arbres. J'ai pu
faire profiter quelques clients d'une sortie en ULM en profitant des jours de
bonne visibilité. Le plaisir est total entre les paysages magnifiques et
le survol de troupeaux d'éléphants, buffles, élands… De grands moments de
bonheur que je suis ravi de partager !! A propos d'avion, j'ai profité de la
présence de ma niveleuse pour passer un coup de lame sur l'ensemble de notre
piste d'aviation : 850 m
x 35 ! Du coup Boubandjida est (presque) accessible aux gros porteurs !
Avis aux amateurs !
La niveleuse est mise à contribution pour rouvrir les
pistes du Nord du parc à présent sur lesquelles je veux porter l'effort cette
année. Dans ce secteur j'ai pu constater qu'il y avait girafes et damalisques,
deux espèces dont le statut n'est pas au mieux dans le parc et l'accessibilité
de ce secteur contribuera à mettre un frein au braconnage, toujours intense. De
ce côté, il y a incontestablement du mieux ; notre nouveau conservateur,
Djidda, (au nom prédestiné!) multiplie les sorties de gardes villageois et lors
de mes survols, je vois de manière évidente le progrès obtenu, moins de
campement, de clayettes, d'indices de braconnage. De plus, les comptes rendus
des patrouilles confirment ce constat et font état d'un début de changement de
comportement des braconniers. Conscients de l'augmentation des risques qu'ils
encourent, ces derniers font des incursions plus courtes, au cours desquelles
ils boucanent moins souvent la viande qu'ils transportent à présent souvent
fraîche. Cela représente une victoire considérable pour nous, car transportée
fraîche la viande est plus de trois fois plus lourde que boucanée, ce qui
limite considérablement les capacités d'emport donc de nuisance d'un
braconnier. A plusieurs reprises nous avons trouvé de la viande abandonnée, ce
qui semble prouver que les braconniers fuient au passage de l'ULM, ou dès
qu'ils perçoivent un danger.
Tout cela va dans le bon sens mais les inquiétudes
restent car les budgets de fonctionnement du conservateur sont très limités et
s'il a voulu marquer sa prise de poste, il ne pourra pas continuer longtemps à
ce rythme sans aide ! Au campement, toujours quelques travaux en cours :
un poulailler, quelques aménagements à la cuisine avec la construction d'un
plan de travail et d'un évier extérieurs. Pour le reste, toujours pas le temps
de profiter de la brousse où je voudrais pourtant prospecter de nouveaux
circuits pédestres. Je vois tellement de beaux coins en avion, mais à pieds il
faut un peu plus de temps…
Maï a passé tout ce temps avec moi et cela me
soulage bien des contingences du campement; propreté, approvisionnement,
cuisine… Le personnel n'est peut être pas tout à fait de mon avis, mais tout
cela est pour moi un réel soulagement.